La promesse – Friedrich Dürrenmatt
Quatrième de couverture
Dans un bois des environs de Zürich, la petite Gretl Moser vient d’être assassinée à coups de rasoir. Confronté au terrible regard d’une mère dévastée, le commissaire Matthias promet de trouver le meurtrier. La police arrête un potentiel coupable, qui avoue avant de se suicider, mais Matthias est persuadé que le véritable tueur court toujours. Hanté par cette affaire, il décide de le traquer seul, en lui tendant un piège aux conséquences tragiques. Une promesse est une promesse, mais la fin justifie-t-elle toujours les moyens ?
Mon avis
Depuis cinq ans, Fabienne (Livr’escapades), avec Eva et Patrice (Et si on bouquinait un peu), organisent en novembre un mois thématique consacré aux auteur·e·s d’expression allemande. La récente réédition par les Éditions Gallmeister du roman La promesse de Friedrich Dürrenmatt, avec une nouvelle traduction, était l’occasion toute trouvée pour participer au challenge, et enfin découvrir la plume d’un des plus grands auteurs suisses.
Le roman s’ouvre dans les Grisons. Le narrateur (Dürrenmatt lui-même ?) se rend à Coire pour donner une conférence sur l’art d’écrire des romans policiers. Dans le bar de son hôtel, il fait la connaissance de H., docteur en droit et ex-commandant de la police cantonale zurichoise. Ce dernier lui propose de le ramener en ville le lendemain et durant le trajet, il lui conte un récit tragique : quelques années auparavant, le corps de la petite Gretl Moser avait été retrouvé, violemment assassinée, dans une forêt. Le commissaire Matthias avait été chargé de l’affaire alors qu’il était sur le point de partir pour une mission en Jordanie. Un suspect idéal est rapidement désigné. La résolution du cas semble facile, mais Matthias est en proie à des doutes, doutes d’autant plus désagréables qu’il a fait la promesse aux parents de la petite Gretl de trouver le responsable du meurtre de leur fille.
Mandaté au printemps 1957 par un producteur qui lui commande un scénario sur les crimes sexuels commis sur des enfants, Friedrich Dürrenmatt (1921-1990) écrira un premier texte qui aboutira au film « Ça s’est passé en plein jour ». Juste après, l’auteur bernois reprendra son texte et le retravaillera en profondeur. La nouvelle bouture de son histoire sortira en août 1958, au départ sous forme de feuilleton dans la Neue Zürcher Zeitung, et sera enfin publié en livre la même année.
La promesse est le récit sombre d’un homme au bord de la folie, en pleine culpabilité morale. Obnubilé par cette affaire qui lui fera perdre la tête et user de tactiques très discutables, Matthias soulèvera une question cruciale : la fin justifie-t-elle les moyens ?
Œuvre majeure de la littérature suisse, La promesse se déroule sur une double temporalité. Le commandant H. reprend le récit de cette sordide affaire, entre passé et présent. Le court roman navigue dans une atmosphère feutrée et désuète digne de Maigret, avec un charme certain et une lenteur toute helvétique. Datant de la fin des années 50, sa construction est étonnamment moderne et sait tenir le lecteur en haleine. L’écrivain en profite – via l’avis du commandant – pour critiquer les auteurs de romans policiers prenant des raccourcis faciles dans la résolution des cas pour satisfaire leurs intrigues peu crédibles en comparaison de la réalité.
En résumé
Un grand roman suisse, novateur et intemporel !
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A propos de l’auteur du roman
Né en 1921 à Konolfingen (BE), Friedrich Dürrenmatt est fils de pasteur. Passionné par la peinture et le dessin, ainsi que par les lettres, il commence des études en philosophie, sciences naturelles et philologie allemande à l’université de Berne mais ne finira pas sa thèse. Ses pièces de théâtre, notamment La Visite de la Vieille Dame (1956) et Les Physiciens (1962), de même que les adaptations cinématographiques de ses romans policiers, le font connaître dans le monde entier. Il décède en 1990 à Neuchâtel où il a passé presque 40 ans de sa vie, et où un centre est inauguré en son honneur en 2000.
A propos du livre
Éditions Gallmeister
Paris, octobre 2023
192 pages
Titre original : Das Versprechen
Traduit de l’allemand par Alexandre Pateau (nouvelle traduction)
8 Comments
Sacha
Ca alors, je ne connaissais Dürrenmatt que pour ses pièces de théâtre ! Heureusement que Les feuilles allemandes sont là pour me faire découvrir ce roman policier qui a l’air passionnant et d’une grande modernité en effet.
T'as où les livres ?
Effectivement, ce challenge des feuilles allemandes permet de découvrir plein de belles choses, et d’agrandir dangereusement nos piles à lire 😉
Patrice
Merci à toi pour cette participation ! J’ai vu ce livre sur les étals de la librairie il y a quelques semaines et je dois avouer que j’ai failli le prendre (et en lisant ton billet, je me dis que j’aurais dû !). J’imagine aisément l’ambiance et la tension qui animent ce livre !
T'as où les livres ?
Contente de pouvoir t’influencer 😉
Et puis ce mois de novembre est l’excuse parfaite pour le découvrir !
Livr'escapades
Le passage sur les règlements de comptes de Dürrenmatt avec les auteurs de polars m’a fait sourire 🙂 Merci pour ta participation et cette jolie chronique!
T'as où les livres ?
Oui, ce passage est savoureux 😉
Merci à toi, Eva et Patrice pour ce beau mois et cette belle initiative !
Livr'escapades
Le mois ne fait que commencer donc si tu as encore envie de lire et présenter un Suter, ce sera avec plaisir 🙂
T'as où les livres ?
Oui c’est sûr, nous ne sommes que le 8 novembre 😉 Mais ça va être tendu entre les vacances à venir (je lis toujours très peu en vacances, un comble!) et les SP qui s’accumulent…