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Interview – Francisco Arenas Farauste

Montage personnel – photo auteur © Lea Cannistrà


Rencontre avec Francisco Arenas Farauste !


Remarqué pour son premier roman, Le comte foudroyé, grâce à la sélection du Prix du Festival du LÀC en 2023, Francisco Arenas Farauste a publié depuis deux autres ouvrages. Aujourd’hui, il évoque avec nous son parcours, son approche vis-à-vis de l’écriture et les thèmes qui lui sont chers…


Bonjour Francisco ! En guise d’introduction, pourriez-vous s’il vous plaît vous présenter pour celles et ceux qui vous découvrent aujourd’hui ?

Je suis né dans le sud de l’Espagne, plus précisément en Andalousie. Je suis un fils d’immigrés qui vit en Suisse depuis plus de 50 ans.  Je n’ai pas fait d’études et j’ai fait mienne la fameuse citation du film Will Hunting : Il n’y a pas d’enseignement qu’on ne puisse trouver pour « 1 dollar 50 d’amende de retard à la bibliothèque municipale ».

Après un très bref parcours scolaire, j’ai gravi un à un les échelons de différentes sociétés multinationales et j’occupe désormais des fonctions dirigeantes au sein d’une grande entreprise suisse.

D’où vous vient cet amour de l’écriture ? Depuis quand écrivez-vous ?

Je vais certainement vous surprendre, mais j’ai réellement commencé à écrire en septembre 2021. Avant cette date, je n’avais écrit qu’une ou deux nouvelles étant adolescent. J’ai toujours beaucoup lu et puis, un jour, je ne sais pourquoi, je me suis décidé à écrire.

Parfois, j’ai l’impression d’être le personnage de Forrest Gump commençant à courir sans savoir pourquoi, mais qui ne peut s’arrêter ! Il traverse les États-Unis d’un océan à l’autre, sans raison. Les motifs de sa course éperdue ce sont les autres qui les trouvent pour lui. Court-il pour la paix, pour démontrer l’absurdité du monde, pour récolter des fonds ? Personne ne le sait vraiment.

Je ne suis pas écrivain, j’écris, mais je ne sais pas vraiment pourquoi… peut-être un jour je m’arrêterai sans crier gare et définitivement, qui sait.

Le comte foudroyé (2022) et Nos plus beaux jours sont des mensonges (2023) sont les deux premiers tomes d’une trilogie traitant des illusions. Pourquoi avoir fait ce choix de thème ?

J’observe à quel point l’illusion et l’apparence forgent le socle de notre société actuelle. Jamais dans l’histoire, les relations humaines n’ont été autant marquées par l’image et le virtuel.

Virtuel signifie littéralement « Qui est à l’état de simple possibilité » et pourtant nous prenons des décisions basées sur des informations virtuelles. Nous rencontrons des amis ou des amants, parfois même nous tombons amoureux sur une simple possibilité. La possibilité que cet être fantasmé existe bel et bien et qu’il soit conforme à l’image que nous nous faisons de lui.

Par exemple, il existe une possibilité que les meubles que je viens d’acheter sur internet correspondent à l’image du catalogue, mais au fond, il n’y a aucune certitude.

Par le passé le virtuel a déjà occupé une part importante dans l’histoire de l’humanité, la religion est fondée sur la possibilité d’une vie après la mort, cependant la spiritualité ne définissait pas nos actes les plus triviaux.

Désormais, le virtuel occupe une place prépondérante dans toutes nos démarches quotidiennes, dans toutes nos interactions avec les autres. Notre vie en devient dématérialisée comme le billet de train virtuel que nous tendons sur notre smartphone.

Si la vie est constituée de virtuel et que ce virtuel n’est qu’une possibilité de réalité ? Quelles sont les réactions des hommes s’il s’avère que le virtuel n’est en fait qu’une illusion ? Que la jeune femme avec laquelle nous avons échangé sur un site de rencontre s’appelle en fin de compte Marcel. Que faire, si les fake news nous ont perdus dans un labyrinthe de mensonges et que nos opinions sont fondées sur des informations complètement fausses ?

La première réaction humaine est le déni, ne pas vouloir affronter la réalité, car elle est trop douloureuse et se refuser à voir au-delà de l’illusion. C’est le drame et l’histoire du Comte foudroyé, et fourvoyé, mon premier roman.

La deuxième réaction est l’acception. Nous sommes entourés par le mensonge. Nous sommes lucides, nous ne sommes pas dupes, mais tout cela est bien plus confortable. Il nous faut accepter l’illusion pour nous permettre de vivre plus agréablement et sans remettre en cause nos acquis, une sorte de statu quo. Il s’agit là du sujet de mon deuxième roman, Nos plus beaux jours sont des mensonges.

Enfin, la dernière option est la révolte et la recherche de la vérité, ce sujet sera le thème du dernier roman qui est en cours de rédaction.

J’ai pensé que les différentes réactions humaines étaient suffisamment intéressantes pour qu’elles méritent un roman entièrement dédié à chacune d’entre elles.

Un autre point commun est le fait que ces deux romans se déroulent entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle. Pourquoi avoir fait le choix de cette période en particulier ?

Je pense que toutes les périodes ne se valent pas, qu’il existe des phases dans l’histoire de l’humanité où certains arts sont à leurs apogées. Pour la littérature française, je pense qu’il s’agit du siècle s’étendant entre 1850 et 1950. Écrire des romans qui se situent durant cette période et en rechercher la couleur, et le verbe, c’est tenter d’accéder à une écriture plus élégante, plus raffinée et pourtant garder la volonté de décrire le réel tel qu’il est, comme l’illustre le mouvement naturaliste.

J’essaye très modestement, en situant l’action de mes romans durant cette période, de rendre hommage aux grands auteurs qui nous ont tant fait rêver et que nous redécouvrons, parfois, le temps d’une lecture.

Vous avez également écrit un recueil de nouvelles (Huit mille, Ed. 5 Sens, 2022). L’écriture de récits très courts est-elle complémentaire aux romans traditionnels ou représente-t-elle plutôt une forme de liberté à vos yeux ?

Ce format est tout à fait complémentaire avec celui d’un roman plus traditionnel. La brièveté du texte est une contrainte, mais ce carcan nous force à faire preuve à la fois de plus d’imagination et de plus de rigueur.

Et puis l’homme n’est pas fait pour la liberté, la première page blanche d’un roman n’est-elle pas le premier pas d’un voyage sans limites ? Cette absence de frontières peut nous conduire au vertige.

La nouvelle, de par son format, réduit l’horizon. Cette contrainte nous rassure et nous permet d’entrevoir la fin dès le début sans être totalement désorientés au milieu du texte. D’ailleurs, lorsqu’on débute en écriture, ne commence-t-on pas souvent par écrire une nouvelle ? Nous nous sentons moins perdus. « Je suis libre et c’est pourquoi je suis perdu » comme disait Franz Kafka. Pour les écrivains, la contrainte est très souvent une alliée, une amie.

Tous vos romans ont été publiés jusqu’à présent chez 5 Sens Éditions, une petite maison d’édition genevoise. Racontez-nous votre expérience de publication et les défis rencontrés avant, pendant et après.

J’ai parfaitement conscience des imperfections de mes romans, trop courts, trop allégoriques, un peu anachroniques. Le fait de ne pas être un écrivain et de n’avoir aucune ambition particulière me laisse une entière liberté. J’écris ce que j’ai envie d’écrire et de la façon dont j’ai envie de le faire.

Dès lors, trouver une maison d’édition n’était pas une sinécure. Je suis tombé assez rapidement sur 5 Sens. Une petite maison d’édition qui sait prendre des risques et publier des textes qui ne seraient peut-être pas publiés ailleurs. Anne-Lise Wittwer, mon éditrice, est une personne exigeante et bienveillante pour qui seul le texte compte. J’ai eu beaucoup de chance de trouver cette maison d’édition et qu’elle accepte de travailler avec moi.

Je n’ai pas rencontré de défis particuliers pour être honnête. Je ne cours pas après la reconnaissance ou les dédicaces. Je me contente de profiter de ce que la vie m’offre, avoir la chance d’être lu est déjà un grand privilège.


Le comte foudroyé s’est retrouvé parmi les romans en lice pour le Prix du Festival du LÀC 2023. Est-ce que cette mise en lumière a été un tremplin pour faire connaître vos œuvres ?

Je ne remercierai jamais assez le comité du Festival du LÀC pour la sélection du Comte foudroyé. Je ne sais toujours pas comment ils sont tombés sur mon roman mais cela m’a valu une jolie reconnaissance et visibilité.

Sans le Festival du LÀC, mon premier roman serait passé complètement inaperçu.

Quels sont vos projets pour les prochains mois ?

L’Hôtel Alfred Sommier qui a inspiré l’auteur © www.alfredsommier.com

Mon principal projet est de terminer le dernier roman de la trilogie qui est de loin le plus difficile à finaliser. Écrire est presque toujours mentir comme disait Jules Renard, alors un roman sur la vérité est très difficile à rédiger !

Sinon, j’ai la chance de participer à plusieurs manifestations telles que le Salon du livre de Genève ou le Festival du LÀC.

Et puis, il m’est arrivé une drôle d’aventure. Mon roman, Nos plus beaux jours sont des mensonges, se situe dans un hôtel particulier parisien qui existe bel et bien. Ce lieu a été transformé en hôtel cinq étoiles et appartient toujours à la famille qui fit ériger le bâtiment.

Lors d’un séjour à Paris, j’ai résidé dans cet hôtel et le lieu m’a inspiré le roman. Une fois paru, j’en ai fait parvenir un exemplaire au propriétaire, le vicomte Richard de Warren de Rosambo. Celui-ci a beaucoup apprécié l’ouvrage et nous avons décidé d’organiser un événement dans ce lieu le 24 mai. Il envisage même de donner le prénom de l’héroïne à une suite de l’hôtel. Parfois, la littérature et la réalité se rejoignent.

Une dernière question pour finir : lisez-vous de la littérature suisse ? Si oui, quels ouvrages suisses pourriez-vous recommander aux lectrices et lecteurs du blog ?

Je vous recommande de lire Mille Veuves de Damien Murith, un auteur suisse qui mérite d’être lu et reconnu. Ce livre est d’une beauté et d’une force peu commune tout comme le reste de l’œuvre de Damien. Pour ceux qui ne le connaissent pas, vous devez absolument le découvrir.

Dans un autre registre, j’ai été également séduit par La nuit au pas d’Isabelle Cornaz qui n’est pas du tout un texte sur la Russie, mais sur la mémoire. Cette mémoire fragmentaire qui nous constitue. À ce titre, certains passages m’ont rappelé les Souvenirs dormants de Patrick Modiano.



Un grand merci Francisco d’avoir répondu à mes questions !


Retrouvez les liens de mes chroniques des livres de Francisco Arenas Farauste ci-dessous :






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