Interview – Abigail Seran
Rencontre avec Abigail Seran !
Bonjour Abigail ! En guise d’introduction, pourriez-vous s’il vous plaît vous présenter pour celles et ceux qui vous découvrent aujourd’hui ?
Juriste de formation, je suis une écrivaine franco-suisse qui a publié huit ouvrages à mon nom et quelques autres collectifs qui vont du roman à la nouvelle en passant par des chroniques. Depuis six ans je suis aussi l’initiatrice et l’administratrice du projet participatif d’écrire ma ville, qui a pour objectif de désacraliser l’écriture et faire raconter une ville par ses amoureu.ses.x et autres habitant.e.s. Depuis deux ans je dirige la MEEL – la Maison des Écrivaines, des Écrivains et des littératures – à Monthey dans le Chablais valaisan, lieu au service des auteurices du cru. Et je suis engagée dans quelques commissions et jurys.
En juin dernier, votre roman Jardin d’été est sorti en poche aux Editions Okama. Dans quel contexte s’est inscrite la réédition de ce récit, paru pour la première fois en 2017 ?
C’est une jolie histoire de rencontre. Jardin d’été avait initialement été publié aux éditions belges Luce Wilquin, qui a fermé ses portes à fin 2018. J’en avais racheté le fond, qui s’est doucement épuisé. Après discussion avec Laurence Malè, la super éditrice des éditions OKAMA, elle a proposé de rééditer Jardin d’été dans une collection poche à créer au sein de sa maison. Ainsi Jardin d’été a inauguré la collection OKA’Poche, ce qui a été un grand honneur et une très belle marque de confiance, dont je lui suis très reconnaissante.
J’ai cru comprendre que le roman connaissait un beau succès et a eu comme effet de relancer certaines de vos anciennes publications !
C’est toujours un étonnement, le parcours des livres. Effectivement, Jardin d’été version OKA’Poche a bien trouvé son chemin et a même déjà été réimprimé, grande surprise à laquelle je ne m’attendais pas du tout, d’autant qu’il avait, à son échelle, bien marché en grand format. Et il a effectivement eu un joli effet sur de plus anciens titres, poussant même Une maison jaune aux éditions Plaisir de Lire aussi sous les rotatives pour sa cinquième ou sixième réimpression. C’est très émouvant cet engouement et cela me touche beaucoup.
En plus de votre casquette de romancière, vous êtes depuis 2022 la directrice de la Maison des Écrivaines, des Écrivains et des Littératures (MEEL), à Monthey. Pouvez-vous nous expliquer la genèse de ce lieu novateur et sa mission ?
Il y a quelques années Pierre-André Milhit, le président de la SEV (Société des écrivain.es. valaisan.ne.s) a eu un contact avec Jacques Cordonier l’ancien chef de service de la Culture en Valais afin de réfléchir à un dispositif de soutien autour de la littérature professionnelle (devenu LittératurePro), ce qui a mené à un groupe de travail sur le sujet, dont j’ai fait partie. Alors que Jacques Cordonier nous a demandé lors de la première séance ce qui était notre idéal, Pierre-André et moi avons répondu en chœur « une maison des écrivains ». En effet, lors de mon séjour en Irlande, j’avais découvert l’Irish Writers Centre qui m’avait permis de suivre de nombreux cours, de trouver ma légitimité d’écrivaine et que j’aurais trouvé génial d’importer en Valais. Sur le moment nous en avons ri car il y avait d’autres soutiens plus urgents à mettre à place. Mais quelques années plus tard, à la faveur des projets de transformation qui ont été mis en place à la suite du COVID pour soulager la précarité dans laquelle les artistes avaient été plongée, nous avons pu soumettre ce projet qui a décroché les montants nécessaires à la mise en place de la MEEL. La MEEL, qui s’est beaucoup inspirée de sa grande sœur irlandaise, existe depuis deux ans et, en plus d’être un lieu d’accueil et de travail pour les auteurices, propose désormais plus de cinquante événements par saison !
Quel bilan avez-vous tiré des deux premières saisons ?
Si au début, nous avons dû tout inventer et convaincre du bienfondé de la démarche, cette troisième saison est réjouissante en termes de fréquentation. La MEEL est en train de trouver son rythme de croisière et est de plus en plus identifiée comme un centre de compétence au service de la littérature romande et des pays limitrophes. Elle accompagne de nombreuses plumes émergentes avec déjà six auteurices qui ont pu publier leur premier texte. Il me semble aussi que les auteurices confirmés, sur lesquels nous mettons l’accent cette année, s’approprient aussi de plus en plus la MEEL. Nous essayons de faire travailler des écrivain.es de toute la suisse romande, de les visibiliser et aussi de leur donner les moyens de faire au mieux leur métier ce qui, j’espère, est utile. En tous les cas, nous essayons vraiment d’être au service de la littérature locale et de ses acteurices quels qu’ils et elles soient. La difficulté reste le financement d’un tel lieu. C’est une bataille permanente. Et même si cela va un peu mieux, ce n’est de loin pas encore gagné de pouvoir poursuivre notre travail dans les années à venir.
Le programme 2024-2025 est déjà bien entamé. Quels sont les points forts de cette troisième saison ?
Sur cinquante-deux événements c’est difficile de choisir ! Peut-être parlerais-je des nouvelles boîtes à outils du vendredi qui sont des cours plutôt à destination des auteurices confirmé.es qui ont pour but de faciliter leur vie professionnelle en parlant interview vidéo, prévoyance, écriture de discours ou pitch de son livre. Et peut-être aussi de la table-ronde autour de la critique et du blogging littéraire, afin d’aussi faire de la MEEL un centre de débat. Mais je veux aussi dire que nous recevons une palette incroyable d’auteurices romand.es pour les ateliers du jeudi qui sont ouverts à tous publics. Bref, il faut aller sur le site www.meel.ch pour voir tout ce que ce lieu situé au château de Monthey a à offrir !
Vous êtes aussi au cœur du projet participatif, d’écrire ma ville. Parlez-nous du concept de ces ouvrages insolites et combien de villes ont été déjà été couvertes ?
Comme dit, d’écrire ma ville est un projet d’écriture participative qui a à cœur de donner une image polyphonique d’un lieu. Par un appel à textes, nous proposons aux gens d’écrire un court texte (1200 signes, ce qui est parfois sujet à quelques discussions…) un témoignage, une anecdote, un souvenir en lien avec la ville dont nous faisons le portrait. Nous avons verni le 12 novembre le sixième livre, celui d’Yverdon-les-Bains après ceux de Monthey, Bernex, Lausanne, Sion et Neuchâtel ! Avec 900 textes de presque autant d’auteurices, c’est une immense fierté de sauvegarder des petits bouts de la mémoire romande. Et surtout de voir toutes celles et ceux qui ont partagé en quelques mots leur tendresse pour l’un ou l’autre des lieux s’approprier LEUR livre.
Quelle est votre actualité dans les prochaines semaines ou prochains mois ? (salons, dédicaces…)
Cela sera en 2025 avec certainement une présence au salon du livre de Genève et en juin sur un nouveau salon qui est en train de se mettre en place dans le Chablais français. Mais chut, c’est encore un secret…
Et pour finir, j’imagine que vous suivez de près vos collègues écrivain·e·s suisses. Quels ouvrages pourriez-vous recommander aux lectrices et lecteurs du blog ?
Il y en aurait tellement !!! J’ai envie de dire, soyez curieu.ses.x ! Allez regarder dans les collections de belles maisons comme OKAMA, La Veilleuse, Presses inverses, Encre Fraîche, Plaisir de lire ou Cousu mouche (et il y en aurait tant d’autres à citer). Je suis persuadée que vous trouverez chaussure à votre pied quel que soit le style que vous aimez. Et au passage, vous découvrirez que le terreau littéraire romand est incroyablement riche et fertile !
Un grand merci Abigail d’avoir répondu à mes questions !
Merci à vous de votre intérêt et pour ce bel échange !
Retrouvez mes chroniques de deux des livres d’Abigail Seran en cliquant sur les liens ci-dessous :