La dernière chambre du Grand Hôtel Abîme – Quentin Mouron

Mon avis

Tout commence par la découverte du cadavre de Sixtine, influenceuse aux millions de followers, gisant au bord de la piscine d’un hôtel vénitien. Le récit s’attache ensuite à remonter le temps, dans les jours qui ont précédé le drame, et à nous faire faire la connaissance de l’entourage amical et amoureux de la jeune femme.

Tout d’abord, nous rencontrons Sam, un étudiant comme tant d’autres, promu influenceur sans vraiment l’avoir cherché. Rapidement, le Genevois s’impose comme une figure suivie par des centaines de milliers de gens. Convié à Venise à une convention européenne de personnes influentes à laquelle il n’a pas spécialement envie d’assister, sa seule vraie motivation est de revoir Sixtine, son ex.

Nous croisons ensuite Hugo. Journaliste lifestyle et food, il se rend en Italie pour couvrir l’événement. Ce genre de papier est bien loin de ses attentes professionnelles, il se voyait plutôt reporter de guerre, ce qui entre autres soucis, le rend morose et accro à la bouteille. L’accompagne dans ce périple, Lola, sa nouvelle conquête, qui s’avère comme lui, bien connaître Sam…

« La vie n’était pas une plaisanterie et pourtant Sam était incapable de la prendre au sérieux » : cette phrase extraite du livre résume bien cette jeunesse dorée, dépendante aux réseaux sociaux. Ces jeunes gens vivent en total décalage, victimes de l’argent facile et de la gloire soudaine. Ils connaissent un succès fulgurant grâce à une audience fidèle et avide de leurs partages, mais ils sont seuls et au fond pas heureux. Lorsque l’on gagne sa vie sans trop d’effort, simplement en s’exhibant sur internet, il devient commun de se prendre au sérieux, de perdre pied face à la réalité, et de développer un mal-être face à tant de vacuité, et de finir en proie à des addictions, à des comportements irascibles ou englués dans des relations toxiques.

Quentin Mouron entraîne ses lecteurs dans les coulisses glauques et délétères de l’influence, tout en gardant à l’esprit la quête du coupable. Avec sa plume atypique – notamment avec une ponctuation souvent absente ou des phrases de la longueur d’un chapitre –, mais aussi grâce à des tournures poétiques, l’auteur écorne l’image de ce monde superficiel et construit sur des artifices. Il brosse un constat sombre, cynique et très peu réjouissant de la société actuelle et de l’avenir des générations futures.

En résumé

Le récit glaçant d’une génération à la dérive…