Mémoires assassines – Stéphanie Glassey

Quatrième de couverture
Dans la tranquille petite ville de Sion, au pied des montagnes valaisannes, un homme est retrouvé mort. Son cadavre flotte dans un lac autour duquel se déroule une dégustation de vin. À la question de savoir qui a commis le crime, en succède bientôt une autre : Comment a-t-il survécu si longtemps ?
En effet, plus on s’en approche, plus il apparait que la victime était aussi détestable que détestée. Les suspects abondent. Charlotte et Léon (les héros de Confidences assassines) s’emparent de l’enquête, mais très vite, ils sont dépassés par le nombre de potentiels coupables. Si une seule personne a commis ce meurtre, tous l’ont appelé de leurs vœux. Comment un homme pouvait-il s’attirer tant de haines ? D’où vient le mal ?
Mon avis
Par un beau jour de printemps, lors de la manifestation Jardins des Vins à Sion, Conrad Crettenand est découvert assassiné, la tête dans le lac du Domaine des Îles. Très vite, on comprend que la victime, agent d’assurance chez OXO, n’était pas tellement apprécié des gens de Nendaz, sa commune d’origine, et encore moins de ses collègues à cause de comportements déplacés et d’une affaire d’injustice.
Il n’en faut pas plus pour titiller l’envie de Charlotte d’en savoir plus. De retour du Danemark où ses parents sont partis vivre à ses 15 ans, elle vient de terminer des études de journalisme. Tiraillée entre Copenhague et ses racines valaisannes, elle a finalement opté pour la Suisse après avoir été engagée au sein de la rédaction de L’Illustré.
Charlotte retrouve notamment ses grands-parents et Léon Cerise, avec qui elle a déjà mené une enquête il y a quelques mois. Ancien policier, le vieil homme est aujourd’hui à la retraite, après s’être reconverti dans l’enseignement suite à un accident l’ayant cloué dans un fauteuil roulant. C’est là qu’il a connu Charlotte, un de ses élèves.
En alternance, le récit s’attarde sur la vie d’Émile, né dans les années 40, issu d’une famille nombreuse, avec un père alcoolique et une mère fragile moralement. À l’âge de 5 ans, le garçon est placé dans une ferme fribourgeoise, comme tant d’autres gamins dans ce temps-là, utilisés comme de la main d’œuvre corvéable à merci, victimes de gens sans scrupules.
Stéphanie Glassey a choisi d’ancrer son texte dans la triste réalité des enfants placés, un très sombre épisode ayant secoué la Suisse et défrayé la chronique. Comment a-t-on pu laisser faire cela ? Certes c’était une autre époque, ces idées paraissent inconcevables de nos jours mais le mal a été fait. Tant d’enfants et de familles en ont souffert, ces maltraitances ont laissé des traces indélébiles, que même la demande de pardon de la Confédération en 2013 ne pourra pas effacer…
Dans ce polar atypique, vous ne trouverez pas de policiers mais plutôt des détectives « privés » souhaitant faire la lumière. Tout reste dans la communauté, tout le monde se connaît au village (pour le meilleur ou pour le pire) mais l’entraide veut encore dire quelque chose. Ne cherchez pas non plus une enquête trépidante. Une lenteur certaine habite le roman, l’investigation passe au second plan, l’histoire versant davantage dans le côté historique – avec le parcours d’Émile –, et surtout dans la psychologie des personnages, sphère dans laquelle Stéphanie Glassey excelle.
En définitive, ce rythme singulier colle parfaitement au thème, aux protagonistes, et aux lieux. Stéphanie Glassey réussit à nous captiver par cette immersion dans le Valais rural et montagnard. Telle une équilibriste, elle jongle avec le passé et le présent, les moments empreints de beauté et les sujets difficiles, entre culpabilité et résilience. Dotée d’une plume sensible, précise et riche en détails, la romancière sait à merveille décortiquer les émotions et les traumas de ses héros. Elle nous invite également à ne pas oublier et inscrit ce beau et foisonnant roman comme un devoir de mémoire et un hommage aux victimes.
À noter que Mémoires assassines se veut une suite de Confidences assassines, paru en 2019. N’ayant pas lu le premier, et vu que certains personnages reviennent, il est clair que j’ai sans doute perdu en substance, mais je n’ai eu aucun mal à comprendre les grandes lignes de leur vie grâce aux informations apportées.
En résumé
Un polar atypique à la plume magnifique et au thème douloureux.
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À propos du livre
Editions Plaisir de Lire
Lausanne, novembre 2024
488 pages
