Lave mes cendres – Velia Ferracini

Quatrième de couverture
La lave surgit, ma vie est finie. Ils parlent de moi comme si je n’existais pas. Rien qu’un mouton de plus dont il faut tondre la laine. « Ces conneries d’école, ça suffit. On a besoin de toi. » La déscolarisation, ça y est. Ils ont eu le prétexte nécessaire pour justifier une idée qui trotte depuis des mois dans les plaines vides de leurs crânes.
La lave surgit, je suis barbouillée de colère. Elle monte en moi, je la sens bouillir, tapisser mes parois jusqu’à la nausée. J’entre en éruption, j’ouvre ma bouche de feu, prête à cracher ma haine, prête à exploser.
La gifle. Main banquise sur joue écarlate.
Mon avis
Habitant en France mais issue d’une famille islandaise, Martha a eu un père aux préceptes traditionnels et religieux bien ancrés. Ce carcan la guidera toute sa vie. Elle n’a pu faire d’études qu’à condition que cela débouche sur un métier féminin. Lorsqu’elle rencontre son futur mari à l’université, une nouvelle ombre au tableau se dessine : le père de Martha voit d’un très mauvais œil les aspirations de son futur gendre à être écrivain, mais il finit tout de même par accepter leur union. Le couple rencontre ensuite des difficultés à avoir un enfant, mais à force de patience leur rêve se réalise enfin. Sauf qu’à l’adolescence, leur fille leur annonce vouloir devenir un garçon, achevant littéralement Martha, déjà fragilisée psychologiquement, qui met fin à ses jours en laissant une note énigmatique : « La nature m’a-t-elle programmée sur un unique mode, celui de la tristesse ? ».
Après les obsèques, le père et le fils se rendent en Islande sur les traces de Martha, dans la maison familiale délabrée. Le mari éperdu traîne contre son gré son fils dans ces contrées nordiques, pour tenter de retrouver l’esprit de sa femme et de recréer du lien avec son enfant. Nous sommes au printemps 2010, rimant avec la fameuse éruption de volcan Eyjafjöll.
Les lignes nous mènent également jusqu’à une adolescente. Née dans une famille d’éleveurs de moutons, elle rêve de devenir écrivaine. Elle noircit des carnets, fait des pieds et des mains pour imprimer ses poèmes, mais elle est rattrapée par son quotidien dans cette ferme isolée quelque part sur l’île volcanique, sous la surveillance des hommes de son clan à la mentalité bien rétrograde en ce XXIe siècle.
Pour son premier roman, Velia Ferracini mélange les genres avec maestria, jouant sur l’écriture inclusive et les envolées lyriques. Riche de passages poétiques et d’un style saisissant, parfois troublant, le texte est magnifié par une plume atypique et finement travaillée. La jeune romancière valaisanne livre une série de réflexions sur le deuil, la transidentité, la différence, la définition profonde de notre identité, et ce qui qualifie un homme ou une femme au regard de la société avide de mettre les gens dans des cases. En plus de ces sujets brûlants, il est aussi question de la place des femmes dans les schémas patriarcaux et de la place des rêves face aux freins et injonctions.
Lave mes cendres se décline en trois portraits. Trois personnages à la croisée des chemins, dans des phases compliquées de leur existence mais qui convergent les uns vers les autres et vers une forme d’acceptation. Un texte marquant offrant enfin une immersion au cœur de l’Islande, terre sauvage, rude, glaciale, en proie aux caprices de Dame Nature.
En résumé
Un beau roman aux thématiques fortes !

